Le nombre d’enfants diagnostiqués « autistes » a été multiplié par 50 environ, entre les années 1960 et aujourd’hui.
C’est un phénomène inouï, inédit… et dont on ne parle pas assez.
Dans ma dernière lettre, je vous ai parlé chiffres : j’ai passé en revue les causes probables de cette explosion de cas d’autisme (les toxines chimiques notamment).
Aujourd’hui, je voudrais vous parler humain.
Savez-vous ce que l’on ressent quand on est dans la peau d’un enfant ou adulte autiste ?
Savez-vous à quoi cela ressemble d’être dans les chaussures de Greta Thunberg, cette ado suédoise diagnostiquée autiste de haut niveau (ou « Asperger ») – devenue l’icône télévisuelle de la lutte pour le climat ?
Vous allez voir, c’est absolument passionnant.
Peut-être même vous retrouverez-vous vous-même dans certains traits de leur personnalité – beaucoup de gens « normaux » ont des traits autistiques légers !
Alors allons-y, faisons ensemble une plongée dans le cerveau étonnant de ceux qui ont un « trouble du spectre autistique » (TSA).
Et cela commence par une caractéristique bien connue de l’autisme : la « maladresse » dans les relations sociales.
Les relations sociales pour les personnes autistes, un véritable enfer ?
Les personnes autistes sont généralement pleines de bonnes intentions à l’égard des autres.
Mais elles ont beaucoup de mal à savoir comment se comporter vis à vis d’autrui.
Car les relations humaines sont fondées sur des centaines de règles implicites, que les personnes « normales » comprennent intuitivement, sans y réfléchir.
Mais pour les personnes autistes, au contraire, il n’y a rien d’intuitif dans les relations sociales !
Résultat : les relations sociales peuvent être un véritable « enfer ».
Comme l’explique Temple Grandin, une autiste de haut niveau, c’est un peu comme si vous étiez parachuté dans un colloque au Japon :
« A cette conférence, vous ne connaissez que quelques-unes des règles sociales spécifiques à la culture du pays ; vous avez bien conscience que vous ne maîtrisez pas bien la langue et il vous faut sans cesse faire attention à ce que vous dites, afin de ne blesser personne et de ne pas vous ridiculiser.
Vous désirez fortement vous intégrer au groupe, interagir, mais le simple fait d’être présenté à quelqu’un vous perturbe. Le sentiment d’anxiété ne vous quitte pas.
A présent, prenez ce sentiment et multipliez-le par plus de cent interactions par jour, fois 24 heures par jour, fois 7 jours par semaine, fois 52 semaines par an, et cela, année après année.
C’est à cela que ressemble la vie d’un individu qui éprouve des difficultés dans le domaine de l’interaction sociale : même les interactions les plus simples peuvent nécessiter un effort considérable de notre part pour faire croire aux autres qu’on est à l’aise ».
Ce n’est pas un hasard si les personnes autistes aiment ce qui est clair, rigoureux, ordonné… comme l’informatique, les maquettes d’avion.. ou les horaires de train.
Le fonctionnement des ordinateurs ou des machines est prévisible, voire mathématique.
Au contraire, pour les personnes autistes, la psychologie humaine est une jungle, chaotique et irrationnelle.
Ainsi, l’autiste de haut niveau Temple Grandin a beau avoir un QI très élevée, il lui a fallu des années avant de comprendre ce qui paraît aux autres une « évidence » :
« J’ai appris que sur le lieu de travail, l’une des règles tacites capitales est que ça ne se fait pas de dire aux autres qu’ils sont stupides, même s’ils le sont vraiment, à commencer par votre patron ».
Ses problèmes de compréhension sociale vont loin. Même le choix des vêtements de tous les jours lui ont causé du souci :
« Je ne savais pas comment les autres s’habillaient et pourquoi ils s’habillaient ainsi. Je ne comprenais pas le concept selon lequel de nombreux vêtements qui étaient appropriés dans une situation particulière ne l’étaient pas dans un autre contexte ».
D’où les maladresses, gaffes et autres comportements « gênants » qui peuvent arriver à certaines personnes autistes en société.
Les personnes autistes n’ont pas accès à ce qui se passe dans VOTRE cerveau
Le problème central est que les personnes autistes ont énormément de mal à se mettre dans la peau de la personne en face.
Là aussi, ce qui paraît évident aux personnes « normales » ne l’est pas pour eux.
Prenez cet exemple frappant, donné par Sean Barron, diagnostiqué autiste très jeune, puis devenu journaliste et écrivain.
L’histoire se passe quand Sean a une vingtaine d’année. Une de ses amies, Rebecca, lui fait une grande confidence : elle est enceinte, et elle ne l’a pas encore dit à son petit ami (elle n’est pas sûr qu’il soit prêt à devenir père).
Sean est touché de cette marque de confiance de la part de Rebecca. Mais quelques jours après, il va faire un bowling avec le petit ami en question.
Et là, Sean se dit que « ce ne serait pas une mauvaise idée de lui annoncer la nouvelle ».
Ce qu’il fait… et évidemment, Rebecca est furieuse contre lui !
Je dis « évidemment », mais cela n’a rien d’évident pour Sean, qui explique :
« J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que Rebecca ressente une telle colère envers mois. Je ne comprenais pas sa réaction. Je ne voulais faire de mal à personne. Et puis, elle ne m’avait pas demandé explicitement de ne pas lui dire ! »
On dit que les personnes autistes manquent de « théorie de l’esprit » : elles ont dû mal à imaginer que les autres peuvent avoir des opinions et émotions différentes des leurs.
Dans l’histoire de Sean et son amie enceinte, on sait intuitivement comment on se sentirait si on était à la place de Rebecca… et ne pas divulguer son secret paraît évident !
Mais ce n’est pas le cas pour les personnes autistes.
Cette difficulté profonde à se mettre « dans les chaussures » de l’autre a énormément de conséquences dans la vie de tous les jours :
- Les personnes autistes ont beaucoup de mal à décrypter les expressions du visage : « difficile de savoir si un sourire est un témoignage sincère d’amitié ou un masque social dissimulant de vrais sentiments, de réelles intentions».
- Elles ont tendance, surtout pendant l’enfance, à être très naïves sur les réactions humaines : « si elle a l’air heureuse, elle l’est… et si elle dit être heureuse, c’est qu’elle l’est aussi» (petite parenthèse : la plupart des hommes non-autistes ont parfois du mal à comprendre la psychologie de leur chère et tendre, mais quand elle dit d’un ton irrité « non, non, tout va bien », ils savent qu’ils n’ont pas intérêt à la croire sur parole !)
- Logiquement, les personnes autistes ont aussi tendance à être trop honnêtes… elles ne se rendent pas toujours compte qu’il est parfois préférable de se taire plutôt que dire la vérité… comme dire à sa collègue qu’on trouve sa nouvelle robe affreuse)
- Les personnes autistes peuvent aussi se lancer dans de longues explications sur un sujet qui les passionne…. sans se rendre compte que cela ennuie profondément la personne en face (ils ont du mal à décrypter les signaux polis mais fermes qu’on a tendance à envoyer dans ces cas-là).
D’ailleurs, même quand ils réalisent que leur interlocuteur est en train de s’ennuyer à mourir, ils peuvent commettre une erreur supplémentaire de psychologie, comme l’explique Sean :
« Je sentais bien que j’ennuyais mon amie, mais je croyais fermement que plus je parlerais de ma passion, plus elle verrait les choses différemment et finirait par s’y intéresser ».
Au total, j’espère que vous vous rendez compte de la difficulté inouïe que tout cela représente pour les personnes autistes !
Aucune « règle sociale » n’est évidente, aucun comportement humain n’est intuitif.
Cela veut dire qu’il faut tout apprendre, et tout analyser en permanence !
« Chaque fois que je parlais avec quelqu’un, je ne manquais pas, suite à cela, de repasser la conversation dans ma tête, encore et encore », explique Sean, quand il avait 20 ans.
C’est une charge mentale inouïe, épuisante !
Et comme si cela ne suffisait pas, cette charge s’ajoute généralement à de sérieux problèmes d’hypersensibilité sensoriels.
Mais avant d’en parler, il me faut aborder une autre caractéristique essentielle de l’autisme : la « pensée rigide ».
Pour une personne autiste le monde est en noir et blanc, sans nuances de gris
La pensée des personnes autistes est souvent binaire, sans nuance.
Très jeunes, par exemple, ils ont du mal à comprendre pourquoi les règles qui s’appliquent à la maison ne sont pas exactement les mêmes qui s’appliquent à l’école.
Prenez ce récit très parlant d’une éducatrice, mère d’un enfant Asperger, qui a consacré sa vie à aider des parents et enfants autistes :
« Cette mère de famille a essayé à maintes reprises de faire comprendre à son fils autiste qu’il ne fallait pas salir la maison en utilisant la règle suivante : ‘essuie toi les pieds sur le paillasson avant d’entrer’. Et malgré cela, jour après jour, il entrait d’un pas lourd dans la maison, laissant systématiquement des traces de boue sur son passage. Elle avait beau demander constamment à son fils de faire attention, prendre des mesures de plus en plus strictes et mettre son fils au coin, rien n’y faisait.
Jusqu’au jour où elle a vu son fils à la porte, un jour de pluie. Elle l’a regardé alors qu’il se baissait pour essuyer, avec un empressement particulier et une grande rigueur, le dessus de chacune de ses chaussures avant d’entrer dans la maison. Il avait bien suivi les directives, mais les avait interprétées à sa manière ! A partir du moment où elle lui a expliqué qu’elle voulait qu’il essuie la saleté en dessous de ses chaussures, le problème a été réglé ! »[1]
Chez les enfants autistes, c’est souvent tout ou rien, noir ou blanc.
Mais la vie n’est jamais comme cela.
Il n’existe aucune règle absolue… même pas l’honnêteté ! Ne dites surtout pas à un enfant autiste de dire toujours la vérité, il risque d’être punis à l’école pour avoir dit ses quatre vérités à la maîtresse !
Dans certains cas, il est acceptable de transgresser des règles, comme dépasser une limite de vitesse pour transporter un blessé à l’hôpital.
Mais cela n’est pas du tout évident ou intuitif pour les personnes autistes.
Comme le dit Temple : « le fait que les jeunes de mon âge semblent connaître les règles auxquelles ils pouvaient déroger et celles qu’ils ne devaient en aucun cas transgresser me rendait perplexe. Ils étaient naturellement pourvus de cette pensée flexible qui me faisait si cruellement défaut »
Cette pensée « rigide » est liée à une autre caractéristique de l’autisme : l’obsession du détail.
Les personnes autistes ont du mal à distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas :
« Leur univers tout entier est fait de détails – des milliers de bribes d’informations qui ne sont pas nécessairement reliées les unes aux autres, du moins au début – et qui revêtent tous la même importance ».
Par exemple, la plupart des enfants savent intuitivement ce qu’est un chien ou un chat. Mais ce n’est pas forcément le cas des personnes autistes, comme Temple :
« Quand j’étais petite, je distinguais les chiens des chats grâce à leur taille, jusqu’au jour où l’un de nos voisins a fait l’acquisition d’un chien de petite taille. J’ai donc cherché une autre caractéristique physique propre aux chiens qui n’existait pas chez les chats. »
Évidemment, cette incapacité à généraliser et à établir des connexions intuitives pour classer le monde en catégories rend la vie infiniment plus difficile :
« Imaginez ce à quoi pourrait ressembler votre vie si, dès le plus jeune âge, pour chaque expérience, chaque interaction de base – que ce soit avec les membres de votre famille, à l’épicerie, avec le chien dans le jardin – tous les détails étaient stockés dans votre cerveau sous forme de bribes d’informations bien distinctes, sans que vous ayez la moindre idée de ce qui les relie les unes aux autres.
Pas de concept, pas de catégories, pas de généralisation, juste des détails. Vous vous retrouveriez vite submergé et le monde serait invivable ! Vous trouveriez tout à fait normal d’avoir besoin de tout couper, de vous déconnecter et de vous réfugier dans le silence le plus total afin de fuir cette masse de détails sans rapports les uns avec les autres qui bombardent littéralement vos sens. »
D’où l’anxiété profonde et fréquente chez les autistes…
D’où, aussi, les accès de colère… souvent aggravés par l’hypersensibilité sensorielle :
Les personnes autistes ont une intolérance à certains sons, lumières, textures…
La plupart des personnes autistes souffrent de troubles sensoriels aigus.
Très souvent, le problème principal est le bruit, mais cela peut aussi être la lumière :
« Au bureau, certaines personnes autistes voient les néons clignoter comme sur la piste de danse d’une discothèque et, pour ce qui est du bruit qu’ils produisent, c’est un peu comme si la roulette du dentiste touchait un nerf ».
Il arrive aussi que des personnes autistes ne supportent pas qu’on leur touche la tête. D’autres ne peuvent pas mettre certains vêtements, car la texture sur leur peau leur est insupportable.
Au total, beaucoup de personnes autistes sont rapidement dépassées » par les stimulations sensorielles de leur environnement.
« C’était bien plus simple pour moi de fixer mon attention sur une seule et unique fibre du tapis, parce que je me sentais moins submergé par mon environnement », explique Sean Barron.
Pensez aux moments où vous avez mal à la tête : avez-vous envie de vous ouvrir aux autres ? Ou bien avez-vous plutôt envie de vous recroqueviller sur vous-même, sans parler à personne ?
Eh bien certaines personnes autistes peuvent avoir une forme comparable de mal-être… et c’est un énorme obstacle à leur intégration !
Voilà pourquoi, il est capital d’agir en priorité sur ces problèmes sensoriels pour favoriser l’apprentissage et les progrès des enfants autistes.
Et la bonne nouvelle, c’est que des approches naturelles ont d’excellents résultats là-dessus (alimentation anti-inflammatoire sans lait sans gluten, avec probiotiques, omega-3, etc. – je vous en ai parlé dans une lettre récente sur les traitements naturels).
Certes, on ne peut probablement pas « guérir » l’autisme, au sens où il serait possible de récupérer une intuition sociale « normale » et une pensée naturellement flexible.
Une partie de leur cerveau a probablement été configurée de manière à peu près définitive à la naissance ou en bas-âge : « Les caractéristiques de l’autisme se manifestent lorsque les connexions neuronales entre les différentes parties du cerveau ne se mettent pas en place » (Temple Grandin)
Mais il est certain qu’avec beaucoup d’efforts, beaucoup d’enfants autistes sont capables d’apprendre les règles de la vie en société et d’acquérir une pensée moins rigide !
La condition, bien sûr, c’est qu’ils ne soient pas empoisonnés en permanence par leurs troubles sensoriels !
Et comme ils ont énormément d’efforts à fournir, il faut aussi veiller à préserver leur estime de soi et leur motivation à progresser.
Quand on a ce genre de handicap, il est facile de se décourager en pensant : « Je me sens nul, défectueux » ou « je n’y arriverais jamais ».
Voilà pourquoi il est également impératif de travailler sur les émotions :
Désordres émotionnels : les deux grandes formes d’autisme
Si l’on parle de « spectre de l’autisme », c’est qu’il y a beaucoup de formes d’autisme très différentes.
Mais attention, il y a un gros malentendu avec le terme de « spectre ».
Beaucoup de gens pensent que le « spectre » est une sorte d’échelle ou de thermomètre qui vous dit si vous êtes « un tout petit peu autiste », « moyennement autiste » ou « très autiste ».
Mais ce n’est pas du tout cela que cela veut dire !
Voyez à quoi ressemble le spectre lumineux, par exemple :
Comme pour les couleurs, le « spectre de l’autisme » signifie qu’il y a une palette très large de formes d’autisme différentes.
Au sein de cette palette, on peut toutefois dégager deux grandes catégories d’autisme.
Il y a des personnes autistes qui ressentent très peu d’émotion.
Temple Grandin, par exemple, explique ne ressentir que quatre émotions, en tout et pour tout : la joie, la tristesse, la peur et la colère :
« Certains autistes dont je fais partie ne disposent pas des circuits physiques ou biochimiques permettant de ressentir les émotions et malgré tous leurs efforts, c’est un pont qui ne verra jamais le jour en raison de l’absence de matériaux de construction de base ».
Des émotions subtiles comme la jalousie, l’amertume ou la rancune lui échappent totalement.
Cela rend la vie beaucoup plus compliquée.
Comment comprendre la réaction de la personne en face de vous si vous ne possédez pas vous-même l’émotion qui l’affecte ?
Vous pouvez savoir intellectuellement ce qu’est la jalousie, mais il est beaucoup plus difficile de comprendre la réaction d’une personne jalouse – et a fortiori de tisser un lien affectif avec elle – si vous êtes incapable de ressentir ce qui se passe dans sa tête.
Plus important encore : faute de certaines émotions « sociales », certaines personnes autistes sont incapables de tisser des liens émotionnels profonds avec les autres.
Voici ce qu’explique Temple Grandin à ce sujet :
« De nombreux parents me demandent : « est-ce que mon fils m’aime ? Est-ce que je lui manquerai quand je serai parti(e) ? J’ai toujours beaucoup de mal à leur donner une réponse honnête tant il est vrai que pour certains enfants, l’absence d’un ordinateur serait plus dure à accepter ».
Temple Grandin est bien placée pour le savoir, car elle fait partie de cette catégorie d’autistes.
Elle-même n’est pas intéressée par le fait de se mettre en couple, et encore moins avoir des enfants.
Les autistes de cette catégorie, appelés parfois Asperger, ont souvent une haute intelligence (pensez à Greta Thunberg).
Parfois, ils n’ont pas de troubles sensoriels graves. Dans ce cas, personne ne les diagnostique comme « autiste », car ils réussissent à compenser : ils apprennent intellectuellement les relations sociales et réussissent à s’intégrer socialement.
On trouve souvent les autistes Asperger dans les métiers d’ingénieur, informatique notamment. Ils sont passionnés par ce qui est « logique », « analytique ». Leur passion, ce sont les données, les chiffres, les schémas, les problèmes à résoudre.
Ils ne seront jamais tout à fait « comme les autres » avec les mêmes priorités émotionnelles, mais ils sont généralement autonomes.
C’est une grande différence avec l’autre grande catégorie d’autistes.
Dans la forme d’autisme la plus répandue (non Asperger), les enfants peuvent avoir de grosses difficultés à parler, voire même à comprendre ce qu’on leur dit.
Toutefois, ces personnes autistes ont aussi plus à de facilité à établir des liens affectifs : elles peuvent aimer les câlins et ressentir des émotions fortes.
L’écrivain Sean Barron fait plutôt partie de cette catégorie (même s’il maîtrise parfaitement le langage, ce qui en fait une exception).
Contrairement à beaucoup d’Asperger, Sean a toujours rêvé de tisser des relations émotionnelles avec les autres.
« Enfant, je mourrais d’envie de me faire des amis, d’être entouré de personnes qui m’admirent, d’être comme tout le monde. Pourtant, quoi que je fasse, je me distinguais sans cesse des autres ».
Sean Barron a une palette d’émotions plus riche que Temple Grandin.
Le revers de la médaille, c’est que Sean a aussi de lourds désordres émotionnels :
« Je suis né avec une peur envahissante qui ne me quittait pas, si bien que lorsque j’étais enfant, tous les moyens étaient bons pour atténuer cette sensation de panique persistante, voire me débarrasser à jamais de cette peur chronique » (…) Ainsi je me focalisais sur des gestes que je n’avais de cesse de répéter ; je posais inlassablement les mêmes questions ; je présentais des mouvements stéréotypés et établissais des règles abstraites ».
Sean a soif de contacts émotionnels, soif d’avoir des amis, des amours, des émotions. Mais en même temps, il a beaucoup de mal à gérer ses « déferlantes émotionnelles ».
Au collège (souvent le pire moment pour les enfants différents), sa vie devient particulièrement douloureuse : « J’étais en proie à une profonde tristesse. Compte tenu de mes émotions négatives, je supportais difficilement de voir les autres élèves s’amuser ».
Son estime de soi est déjà très fragile à la base.
Mais la moindre bévue lui fait remettre en question sa personne tout entière, et l’enfonce dans l’idée qu’il n’est pas « quelqu’un de bien ».
Pire : ses « bizarreries » font de lui une cible pour ses camarades de classe, ce qui aggrave son anxiété, son désespoir et son repli sur soi.
Mais, peu à peu, avec beaucoup d’efforts, il a réussi à maîtriser les clés des relations sociales, à se mettre en couple et à vivre une vie épanouie !
L’autisme : handicap ou neurodiversité ?
Pour comprendre ce que ressentent les personnes autistes, il est capital d’entendre leur témoignage.
C’est pourquoi j’ai longuement partagé avec vous celui de Sean et Temple (qui ont écrit un livre remarquable, que je recommande à tous ceux qui ont une personne autiste dans leur entourage).
Mais cela ne doit pas nous faire oublier que beaucoup de personnes autistes ne parlent pas.
De même, le succès éclatant de certains Asperger – comme Greta Thunberg – ne doit pas faire oublier que la majorité des personnes autistes sont incapables d’être autonomes et de conserver un emploi à l’âge adulte.
Même parmi les personnes autistes autonomes, le risque de dépression et de suicide est plus élevé que la moyenne.
Je tiens à le préciser, car certaines personnes commencent à expliquer que l’autisme n’est pas un handicap, mais un signe de diversité qu’il faudrait célébrer, et non regretter[2] !
Cela peut se défendre pour certaines personnalités Asperger qui ont réussi… mais c’est nier l’intensité du handicap qui affecte la majorité des enfants et adultes autistes !
C’est l’énorme problème d’utiliser un seul mot – autisme – pour qualifier des réalités très différentes !
Aujourd’hui, on a tendance à utiliser ce mot pour parler de n’importe quelle personne un peu introvertie, peu à l’aise dans les relations sociales ou qui peut se plonger des jours entiers dans une activité obsessionnelle (un jeu vidéo, un problème informatique à résoudre…).
Je pense que c’est une erreur.
Oui, il y a bien une grande « neurodiversité » dans la psychologie humaine, avec des personnes plus ou moins introverties, plus ou moins obsessionnelles, plus ou moins à l’aise socialement, etc.
Mais l’autisme, selon moi, devrait rester considéré comme un handicap :
- lié à des connexions neuronales manquantes, probablement définitives ;
- et associé souvent à une inflammation du cerveau, sur laquelle on peut agir via l’alimentation et d’autres approches biomédicales.
Tant mieux si des Asperger à haute intelligence réussissent à s’adapter à la vie moderne, à force d’efforts et d’intellectualisation.
Mais il me paraît dangereux de se réjouir de cette « neurodiversité », comme s’il était normal de devoir déployer trois fois plus d’efforts que la moyenne pour s’intégrer.
Je rappelle aussi que les enfants autistes ne peuvent pas progresser sans une intense motivation.
Il faut donc à tout prix éviter de leur donner une « bonne » raison de rester enfermés dans leur handicap :
« Accuser votre entourage de ne pas comprendre votre condition autistique ou attendre des autres qu’ils vous fichent la paix sous prétexte que vous êtes différent : voici l’excuse parfaite pour ne pas avoir à fournir les efforts qui s’imposent » (Temple Grandin)
Certes, les personnes non-autistes doivent impérativement faire des efforts eux aussi pour comprendre l’autisme et s’adapter aux spécificités de ceux qui en sont atteints – et c’est pourquoi je vous écris cette lettre aujourd’hui.
Mais c’est une erreur, à mon avis, de célébrer les différences des personnes autistes.
Dans la même logique, il faut éviter d’élargir la catégorie « d’autisme » à des gens qui ne le sont pas franchement :
On peut être hypersensible, avec des troubles sensoriels, sans être autiste.
On peut être un passionné d’informatique et de jeux vidéo sans être autiste.
On peut manquer d’intelligence sociale sans être autiste.
On peut avoir une anxiété profonde et permanente sans être autiste.
On peut avoir un répertoire d’émotions limité sans être autiste.
On peut être un mathématicien enfermé dans sa tour d’ivoire sans être autiste.
On peut avoir du mal à décrypter les émotions des visages sans être autiste.
Etc, etc.
L’autisme, le vrai autisme, même quand on est très intelligent, c’est un véritable handicap, au jour le jour, au moins pendant l’enfance :
« Imaginez que vous ne sachiez pas skier et que vous vous retrouviez au sommet d’une des pistes noires les plus difficiles au monde. Elle est étroite, verglacée, avec d’énormes bosses et un dénivelé important.
Comme si cela ne suffisait pas, vous ne pouvez pas vraiment vous fier à votre équilibre et vous n’êtes pas dans une situation très confortable : vous avez du mal à vous tenir debout sur vos skis ; vos chaussures et vos bâtons de ski vous gênent ; votre combinaison volumineuse n’est pas adaptée à votre morphologie ; le soleil vous aveugle, tout comme les reflets éblouissants de la neige.
Vous êtes soudain pris de panique car vous venez de réaliser que jamais vous ne parviendrez à dévaler cette pente enneigée sans vous blesser ; la vraie question est de savoir quelles sont vos chances de survie. Mais vous ne pouvez pas rester là indéfiniment – vous savez pertinemment qu’il va falloir vous élancer à un moment ou à un autre.
C’est à cela que ressemble l’interaction quotidienne pour certains enfants avec autisme. Panique et absence de compétences permettant de gérer les interactions.
Si l’on ajoute à cela le langage et la communication, l’expérience s’avère encore plus terrifiante, car ils manquent souvent de cohérence. Les gens se plaisent à utiliser le langage pour exprimer leur personnalité. La communication n’a rien de littéral car elle englobe le ton, le changement d’accent ou d’intonation dans la voix et le langage du corps » (Temple Grandin).
L’autisme est un handicap sérieux, et doit être traité comme tel.
Et si, comme j’en suis convaincu, des toxines chimiques de notre environnement (pesticides, médicaments, pollution, etc.) sont en partie responsables des connexions neuronales manquantes, ce devrait être une priorité absolue que de les étudier sérieusement…
…et de les éliminer de l’environnement des femmes enceintes et des nourrissons !
Une des newsletters les plus intéressantes que j’ai lues depuis longtemps . Merci.
Toutes mes félicitations pour cette excellente présentation de l’autisme! Bravo d’avoir su si bien mettre en évidence un sujet très complexe!
Il est rare de trouver des explications compréhensibles des non spécialistes relatives à l’autisme. C’est néanmoins le cas ici et il faut remercier l’auteur d’avoir tenté…et réussi à produire de la bonne vulgarisation.
Bonjour Monsieur Bazin, dans la toute dernière ligne de votre lettre d’information concernant l’autisme vous écrivez “Et si, comme j’en suis convaincu, des toxines chimiques de notre environnement (pesticides, médicaments, pollution, etc.) sont en partie responsables des connexions neuronales manquantes, ce devrait être une priorité absolue que de les étudier sérieusement…
…et de les éliminer de l’environnement des femmes enceintes et des nourrissons !” Eh bien si, nous nous y attelons ici à Visé (proche de Liège). L’association s’appelle PRINSSA Prise en charge intégrative des syndromes autistiques (ex AU PAYS VERT). Nous avons réuni un comité scientifique d’experts (médecine, naturo, chercheurs en microbiote et électromagnétisme, ingénieurs en construction et géobiologie, etc…) . Notre objectif est de construire un habitat sain et d’éloigner 8 adultes TSA de toute pollution environnementale). Elle servira de maison témoin et d’observations pour ces maladies de civilisation. Si vous souhaitez me contacter pour d’autres renseignements, ce sera avec plaisir.
Un immense merci pour avoir su présenter de maniere large et explicite cette situation pas si rare que l’on ne l’imagine et qui fait des dégâts affectifs inattendus et parfois importants autour de ces personnes dont on ne comprend pas la difficulté ( je pense aux Asperger , car ils sont souvent brillants)
Bonjour,
Merci pour vos conseils et vos révélations dans vos excellents articles sur la Santé en général.
A propos d’autisme, qui fait l’actualité cinématographique en ce moment, je conseille vivement le documentaire :
« Quelle folie! » De Diego Governatori »
Il est le témoignage de la difficulté d’Aurelien, protagoniste du film, à incorporer les codes qui régissent les liens et les interactions sociales, ce qui l’exclut de toute altérité durable.
Témoignage bouleversant.
Merci de votre article remarquable. J’ai beaucoup lu sur l’autisme et je fais partie d’une famille très engagée dans ce domaine.
Je suis touchée de la façon dont vous énoncez des problèmes.
L’autisme, même celui d’Asperger brillants, n’est pas facile pour l’entourage mais pour ceux qui le vivent dans leur chair cela peut être l’enfer.
Si vous pouvez aider des gens à comprendre un peu c’est merveilleux.
Cordialement.
Bonjour merci j ai été très touchée par votre
lettre qui parle étant moi-même maman
d un enfant avec des traits autistiques
Meilleures salutations Sandrine Berthoud
Bonjour
Il y a un biais qui rend votre raisonnement sur l’autisme complètement erroné.
La classification clinique de l’autisme a changé et inclut maintenant des symptômes qui n’ont rien à voir avec le syndrome d’Asperger.
C’est pour cela que le nombre des cas s’est multiplié.
Cordialement
M.Nguyen
Celui que l’on nomme autiste ne fonctionnerait donc pas comme nous avec le mensonge ou la dissimulation. Il aurait un autre “principal’ principe pour vivre?