Cher(e) ami(e),
Avez-vous des bronchites, de l’asthme ou de l’eczéma allergiques ?
Si vous faites partie de ceux qui redoutent l’arrivée du printemps, cette lettre pourrait vous consoler.
Car, bonne nouvelle : avoir des allergies pourrait vous protéger d’un glioblastome, une forme de cancer du cerveau particulièrement agressif.
Et de manière assez significative puisque les études parlent de 30 à 40 % de risques en moins !
Avouez que le lien est troublant.
Pourtant, plusieurs méta-analyses concordent en ce sens :
« les allergies respiratoires, l’asthme ou l’eczéma étaient tous significativement protecteurs contre le gliome1».
Mais ce n’est pas tout !
Pendant 18 ans, des scientifiques ont suivi 1 102 247 Américains avec de l’asthme et des « rhumes des foins » – deux marqueurs typiques de l’allergie.
Ils ont comparé leur taux de mortalité par cancer2 (sur 12 types de cancer).
Les résultats, particulièrement stupéfiants, ont été publiés en 2005 :
- -10 % de mortalité globale par cancer ;
- -20 % de mortalité par cancer colorectal.
Vous imaginez !
Autant dire que ce champ d’exploration ne cesse d’intriguer les chercheurs.
Ils ont même créé une nouvelle discipline en 2006 : l’allergo-oncologie3.
L’idée est de chercher à comprendre ce phénomène surprenant pour lequel il existe 3 grandes hypothèses, parmi lesquelles :
Allergique : vos défenses immunitaires sont en alerte (et tant mieux !)
La première hypothèse, la plus intuitive aussi, repose sur ce qu’on appelle l’immunosurveillance.
Si vous êtes allergique, vos cellules immunitaires vont surréagir au contact d’un allergène (pollens, alimentaire, médicament…).
Elles vont notamment stimuler la production de vos anticorps spécifiques, les immunoglobulines E – les fameux IgE.
À la base, les IgE sont des « armes immunitaires » très puissantes.
Elles nous protègent entre autres contre les parasites (helminthes), le venin d’animaux, mais pas seulement.
Depuis leur découverte en 1966, les scientifiques vont de surprises en surprises.
La dernière en date : les IgE seraient même capables de tuer des cellules cancéreuses.
Ces anticorps se fixeraient sur les antigènes tumoraux, des protéines sécrétées par les tumeurs cancéreuses.
Ce faisant, les IgE auraient un effet destructeur sur le développement et la croissance des tumeurs4.
Selon cette hypothèse toujours à l’étude, plus vous avez d’IgE, plus votre système immunitaire serait actif, et donc en meilleure capacité de détecter et de combattre d’éventuelles tumeurs.
C’est d’ailleurs pour étudier ce rôle prometteur des IgE dans le traitement du cancer (et sa genèse) qu’est née l’allergo-oncologie5.
Mais, aux côtés des IgE, s’activent aussi les lymphocytes T6.
Ils se mettent aussi en ordre de bataille quand un corps étranger (virus, parasite, bactérie…) pénètre dans l’organisme.
Or, ce sont ces lymphocytes qui, chez les personnes allergiques, déclenchent l’asthme et l’eczéma7 la plupart du temps.
Voilà qui pourrait donc être une bonne nouvelle.
Car selon des nouvelles percées, ces lymphocytes T seraient aussi capables d’ « infiltrer la tumeur puis de détruire les cellules cancéreuses, les unes après les autres, par contact direct8 ».
Mieux, elles pourraient même « modifier le tissu tumoral, sur de longues distances, au lieu de simplement tuer les cellules tumorales avec lesquelles ils interagissent directement9. »
Voilà pourquoi on les emploie désormais en immunothérapie10.
Autant dire que si vous êtes allergique, vous pourriez avoir une certaine longueur d’avance contre le cancer, par rapport aux personnes non-allergiques…
D’autant que vous pourriez…
Tousser ou éternuer pour ‘’extraire’’ le mal : l’hypothèse prophylactique
Cet autre mécanisme intéresse les scientifiques de très près.
Il suppose que la toux ou les éternuements, liés à une allergie, contribueraient à « expulser les cancérogènes potentiels ».
Une merveilleuse stratégie de nettoyage « mécanique » des toxines avant qu’elles ne s’installent et deviennent malines.
Est-ce pour cette raison que les personnes allergiques traitées avec des anti-histaminiques ‘’perdent’’ cette protection contre le glioblastome11?
Les chercheurs ont encore bien du mal à trancher.
De même que pour statuer sur cette dernière hypothèse :
L’inflammation allergique… également protectrice ?
Ce sont des chercheurs luxembourgeois qui ont étudié cette question, toujours dans le cadre des glioblastomes.
Non seulement les allergies retardent la progression de ces tumeurs dans le cerveau, mais l’inflammation allergique renforce aussi l’immunité anti-tumorale.
Certaines cellules immunitaires du cerveau, les microglies, rentreraient dans un état d’inflammation plus agressif en vue de détruire les cellules cancéreuses.
Pas étonnant pour des cellules dont le rôle habituel est de servir de « nettoyeuses ».
Mais le plus épatant, c’est que les souris sans allergie n’avaient, elles, aucune protection contre ces tumeurs cérébrales, et mouraient nettement plus vite que les souris allergiques12.
Voilà qui ouvre donc de réjouissantes perspectives pour ce cancer dont les traitements sont à la peine !
Toutefois, vous l’avez compris : l’allergo-oncologie tâtonne… et l’enthousiasme doit donc être quelque peu tempéré, car
Les allergies, à double tranchant ?
Même si plusieurs études tendent à confirmer l’effet protecteur des allergies, notamment sur :
- le cancer du pancréas : -15 %
- les leucémies : -25 %
- le cancer colorectal : -24 %13
- cancers des voies respiratoires : -39 %14…
… dans d’autres cas, c’est l’inverse, comme :
- + 86 % de cancer du rein en cas de dermatite atopique par rapport à la population générale,
- + 46 % de carcinome kératinocytaire, un cancer de la peau15…
Un lien entre l’inflammation chronique déclenchée par les allergies pourrait, dans plusieurs cas, créer le lit du cancer.
Une hypothèse déjà mise en avant par la Dr Catherine Kousmine, en 1956, quand elle écrivait déjà :
« L’allergie et le cancer sont deux modalités d’un seul et même phénomène, l’inflammation16 »
Vous voyez qu’il ne suffit pas d’être allergique… pour être immunisé contre le cancer !
Ce serait trop simple !
Toutefois, reste que…
Les traitements anti-allergies, de futurs traitements anti-cancer ?
Les chercheurs sont loin de comprendre la relation précise entre les allergies et le cancer.
Mais cela ne les empêche pas de tester certaines pistes, avec des résultats souvent prometteurs :
Les chercheurs du Mont-Sinaï à New York ont montré que combiner un médicament contre les allergies (le dupilumab, un immunosuppresseur) avec une immunothérapie boostait efficacement le système immunitaire.
Pour 1 patient sur 6 inclus dans l’essai clinique, les tumeurs cancéreuses du poumon avaient significativement régressé17.
Autre voie prometteuse : utiliser les anti-histaminiques pour améliorer la réponse à l’immunothérapie.
Des chercheurs du Texas ont été surpris de constater que ces médicaments, ciblant des récepteurs spécifiques à l’histamine (les HRH1), augmentaient la survie chez les patients atteints de mélanome, de cancer du poumon, du sein ou du côlon18.
De quoi redonner un peu de souffle à au moins 30 % des Français qui souffrent d’allergies !
Bonne santé,
Catherine Lesage