Cher(e) ami(e) de la santé,
Chirurgien de l’armée napoléonienne, Jean-Dominique Larrey est le père de la médecine d’urgence.
Sur les champs de bataille, il ampute à tour de bras – plus de 10 000 soldats mais avec un taux de survie record[1] !
C’est aussi le premier qui aura l’idée d’organiser l’évacuation des blessés au moyen d’ambulances volantes.
Mais ce n’est pas tout !
Lors d’une expédition en Égypte, il découvre une thérapie absolument novatrice…
Grâce à elle, il constate que les soldats ne meurent pas du tétanos ni de la gangrène…
Aujourd’hui encore, elle constitue une piste très prometteuse contre l’antibiorésistance.
Rien qu’en 2002, plus de 2 000 centres dans le monde ont déjà pris une longueur d’avance[2] (sauf en France !).
Même l’armée britannique l’utilise pour soigner ses soldats dans des endroits reculés, comme au Yémen, au Sud Soudan ou encore en Syrie[3].
Il faut dire que cette technique nécessite de dépasser une barrière psychologique…
Mais à la guerre, comme à la guerre, alors…
Ce chirurgien américain soigne les plaies ouvertes des soldats avec (90 % de succès !)
Le Dr William Baer est chirurgien orthopédique américain, en renfort sur le front français en 1917.
Dans un hôpital de première ligne, Baer remarque 2 patients mal en point : ils ont des plaies ouvertes aux jambes et à l’abdomen.
Surtout, ils ont passé plusieurs jours dans les tranchées insalubres, sans eau ni nourriture.
Il ne donne pas cher de leur peau…
Surtout qu’il remarque que leurs plaies sont infestées de larves.
Pourtant, contre toute attente, les deux soldats ne déclarent ni fièvre, ni septicémie.
À l’examen, Baer est stupéfait : les plaies commencent à cicatriser et l’état général des malades s’améliore rapidement.
Les larves doivent certainement jouer un rôle, mais lequel ? Baer veut comprendre.
Très enthousiaste, il consacre la fin de sa vie à prouver l’efficacité curative de cette thérapie par des études et à améliorer les techniques de stérilisation[4].
Mais nous sommes dans les années 1930 et un autre combat s’impose :
Vous êtes plutôt moisissure de champignons ou larves « mangeuses de tissu mort » ?
La découverte de la pénicilline, toxine issue d’un champignon[5] par Fleming en 1928, coupe l’herbe sous le pied de Baer…
Les antibiotiques sont une révolution : les plaies infectées sont systématiquement traitées avec…
Sauf que depuis les années 1990, la fête est finie !
Des souches de bactéries résistantes émergent et mettent en péril l’efficacité des antibiotiques… et donc des vies.
Tombée dans l’oubli, la luciliathérapie revient dans la lumière, intéressant de près les chercheurs.
Surtout que depuis Baer, de gros efforts ont été faits pour améliorer l’utilisation de cette thérapie par les soignants… et surtout pour la rendre acceptable par les patients.
Car oui, oui, ce dont on parle à demi-mot est bien ce que vous imaginez…
Seriez-vous prêt à tester la luciliathérapie ? (Simple, efficace et non toxique mais…)
Imaginez que vous soyez diabétique avec des plaies chroniques, que vous ayez des escarres qui suppurent ou encore des ulcères veineux, une brûlure ou une gangrène.
Que les antibiotiques ne fassent plus aucun effet sur vous…
Bravo, vous voilà un très bon candidat pour la luciliathérapie !
Pour cela, il me faut vous révéler son secret (rassurez-vous, je n’ai pas mis d’images) :
Si vous avez une plaie, il y a 3 moments critiques : la détersion (élimination des débris), la désinfection et la cicatrisation.
Bonne nouvelle : les larves d’une espèce de mouche, la Lucilia sericata, ont la particularité de se nourrir exclusivement de tissus nécrosés ou fibrineux[6], et jamais des tissus vivants.
Quand on les place sur une plaie, elles vont donc commencer à nettoyer la plaie avec une meilleure efficacité et une plus grande rapidité et fiabilité que la chirurgie[7] !
En outre, ces larves sécrètent des sucs qui les aident à digérer ces tissus.
Mais aussi à tuer les bactéries – notamment les redoutables staphylocoques.
Ce faisant, elles évitent une surinfection de la plaie.
Ce n’est pas tout : ces petites larves vont stimuler la production d’un nouveau tissu sain, la granulation, et accélérer la cicatrisation de la plaie.
Comme toutes les larves ont été stérilisées avant leur pose, le risque d’infection est minime.
Surtout, ce ne sont pas des espèces invasives : elles ne peuvent pas vous parasiter…
D’autant qu’en prime,
La luciliathérapie prévient les amputations et évite les antibiotiques !
« Pourquoi souffrir pendant des années, parfois en essayant différents types de pansements, alors qu’il suffirait d’utiliser les asticots pendant quatre jours ? » demande le médecin Yamni Nigam qui exerce au Royaume-Uni[8].
Pour lui, la réponse est simple : le dégoût.
Alors plutôt que de laisser les larves « en liberté », un nouveau conditionnement a été mis au point : les biobag qui ressemblent à des sachets de thé.
Les soignants les appliquent directement sur la plaie.
Les sachets sont maintenus en place pendant 5 jours maximum.
Mais l’efficacité n’est pas son seul avantage : cette technique diviserait aussi par 3 fois le nombre d’amputations et de 40 jours environ l’utilisation d’antibiotiques[9].
Et les chercheurs vont de découvertes en découvertes !
Car ces larves seraient également capables de grignoter les biofilms – sorte de mur de protection érigé par les bactéries pour s’installer en vous, et que les antibiotiques ont souvent du mal à percer…
À tel point que les chercheurs planchent pour isoler le liquide sécrété (la lucifensine) par les larves en vue de stériliser les prothèses humaines avant intervention. Et éviter une infection au staphylocoque[10].
« C’est un traitement sous-utilisé » – quel dommage de s’en priver !
Le Dr Yanni Nigham est catégorique : « C’est un traitement sous-utilisé ».
Malgré tout, le NHS, le service de santé britannique, utilise chaque année plus de 5 000 poches, depuis les années 2000.
Aux États-Unis, la FDA a quant à elle approuvé la luciliathérapie comme dispositif médical depuis 2004.
Malgré les études probantes et l’utilisation croissante partout dans le monde, la France reste à la traîne…
Pourtant, depuis 2005, ces larves y sont reconnues comme produits de santé.
Toutefois, pour y accéder, les hôpitaux doivent demander une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU), procédure exceptionnelle et dérogatoire.
Autant dire tout de suite que la luciliathérapie a du plomb (administratif) dans l’aile !
Une fois de plus, ce sont des milliers de malades qui sont privés de techniques ancestrales… innovantes et performantes.
Mais ce n’est pas la seule !
Je vous prépare une seconde lettre dans laquelle je vous parlerai d’autres thérapies, plus accessibles et faciles d’utilisation, pour vous aider à panser vos plaies et mieux cicatriser.
Belle santé à tous,
Catherine Lesage